La Femme qui était devenue invisible

La Femme qui était devenue invisible
Image originelle par tomasvl de Pixabay. Modification par Le Vert à Moitié Plein

Il était une fois, une jeune femme qui s’appelait Shana.

Elle vivait dans une petite maison au cœur d’un village. Elle aimait son emploi et lorsqu’elle avait du temps libre elle aimait jouer du violon. Malheureusement, elle n’avait pas beaucoup d’argent et le sorcier qui la logeait en voulait toujours plus. Pour le satisfaire, elle dût arrêter de manger et même vendre son violon. Un jour, le sorcier la chassa de chez elle et lui jeta une malédiction.

La pauvre femme vit que son corps devenait progressivement invisible.

De l’aide ? Elle essaya d’en demander à sa famille, à ses amis, aux passants dans la rue. Mais les gens ne la voyaient pas et passaient leur chemin…

Elle se rendit tout de même à son travail, la seule chose qui lui restait. Las, elle n’était pas à ce qu’elle faisait car elle ne pouvait penser qu’à comment elle allait boire, manger, se vêtir, se nettoyer, ou d’autres préoccupations qui semblaient si simples lorsqu’elle était visible… Un jour, le sorcier vint à la boutique dans laquelle elle travaillait, la jeta dehors et barricada l’entrée de l’échoppe.

La malédiction devint alors totale. Personne ne la remarquait, elle n’avait plus rien à faire, nulle part où aller. Shana était perdue. Cherchant à survivre, elle n’avait pas le temps de trouver le moyen de briser le sort et ne savait de toute façon pas comment s’y prendre.

Optimiste, elle se dit avec philosophie qu’au moins elle ne risquait rien. Étant invisible aux autres, elle devait l’être aussi aux dangers, non ?

Hélas, le sorcier n’avait pas fini de la tourmenter. Il envoya ses sbires contre elle. Ces monstres la pourchassaient nuit et jour. S’ils ne pouvaient pas la voir, ils étaient attirés par l’odeur de sa peur. Comme ils n’étaient pas reconnaissables, Shana se cachait d’eux toute la journée et toute la nuit, effrayée par tout le monde. Elle ne se sentait en sécurité nulle part..

Un jour elle eût une idée. Elle allait redevenir visible pour les autres et elle allait repousser les monstres. Elle se couvrit d’immondices et devint agressive.

Mais bien sûr, les passants ne virent que la couche de crasse et n’entendirent que ses cris de colère, ils ne virent pas la personne en dessous. Plusieurs monstres ne la reconnurent pas et arrêtèrent de la traquer. Elle se sentit un peu plus en sûreté.

Mais un jour sombre, un monstre qui sentait sa peur sous sa carapace de saleté la coinça et l’attaqua. Shana hurla et se débattit mais rien n’y faisait, et personne ne la voyait. Quand soudain un chien sorti d’un fossé mordit le monstre et le mit en fuite. Soulagée, elle remercia son sauveur, qui décida de rester avec elle. Elle le nomma, le cajola et bientôt il devint son compagnon et meilleur ami.

Agacé par l’échec de ses monstres, le sorcier décida de séparer Shana de son soutien. Il envoya des gens capturer et tuer le chien en leur disant qu’il était sale et dangereux. Ils blessèrent l’animal en essayant de l’attraper. Mais Shana s’interposa et sauva son compagnon. Le sorcier décida alors de jouer plus finement. Il la convoqua et lui offrit de se faire héberger si elle renonçait à son compagnon. Elle refusa et s’en fût. Dans une rue, elle tenta de guérir le chien mais échoua. Un* jeune fée appelé Nour, entendant le chien pleurer, s’approcha et commença à le soigner. Voyant que le chien une fois guéri batifolait autour de quelque chose, le fée regarda attentivement. Il vit les contours d’une femme et commença à parler avec elle. Elle lui raconta ses aventures et lui parla de la malédiction. Il lui répondit qu’il allait en parler aux autres fées et qu’elle redeviendrait visible progressivement avec de l’aide.

Rassurée, elle partit dormir dans sa cachette habituelle. Malheureusement, le sorcier rendu furieux par la réponse de Shana et par sa rencontre avec le fée, avait décidé d’effacer toute traces de la jeune femme. Il avait parlé aux responsables du village et avait volé toutes les cachettes et tous les recoins où s’abritaient les Invisibles. Où qu’elle aille, ses cachettes étaient remplies de piques, de musique insupportable, de lumière aveuglante ou de douche froide.

La pauvre erra pendant deux jours et deux nuits sans oser dormir. Elle pleurait en se disant qu’elle avait déjà tellement tourné en rond qu’elle ne retrouverait jamais le fée. Épuisée, affamée et tremblante de froid elle finit par s’arrêter sous un arbre. Levant les yeux, elle vit un large manteau accroché aux branches. Lorsqu’elle le prit un mot, une boîte et un petit sac en tombèrent. Elle lut le petit mot sur lequel était écrit « Comme je ne savais pas où vous trouver, j’ai accroché ces manteaux magiques partout pour que vous en trouviez un. Vous trouverez dans cette boîte de quoi vous réchauffer le cœur. Vous trouverez dans le sac de quoi vous réchauffer le corps. Je vous vois. ». La boîte contenait des gâteaux, des fruits secs, une gourde d’eau, un livre et des gants. Lorsqu’elle vida le sac, un abri magique en tomba et se dressa tout seul. Elle s’y engouffra avec le chien et ils y dormirent tout leur saoul.

Lorsqu’elle se réveilla, un repas l’attendait. Et chaque jour, des fées patientaient devant l’abri. Le premier fée était Nour, celui qui avait soigné le chien. Il l’enlaça et lui demanda comment elle allait. Elle lui raconta ce que le sorcier avait fait. Un autre fée, lui demanda d’indiquer sur une carte les refuges saccagés par les sorts du sorcier et partit montrer aux responsables du village ce qu’ils avaient fait. Des jumelles fées lui serrèrent la main et partirent conjurer les sorts du sorciers sur les différentes cachettes.

Bientôt, des fées venaient la voir pour lui proposer des petits tours de magie qui rendaient chaque fois une partie de son corps visible. Ainsi, ils lui donnèrent une nouvelle coiffure, lui firent apparaître des habits propres, du savon et un repas qu’ils partagèrent avec elle.

Mais Shana n’était toujours pas – complètement – visible. Des hordes de fées proposèrent des solutions pour la délivrer de sa malédiction :
-Viens dans ma tente, tu pourras y rester avec ton chien !

-Non il vaut mieux que tu dormes chez moi ! Tu iras chez mon voisin le lendemain et chez son voisin le surlendemain !

-Si tu me suis, je t’ouvrirais la porte de ton ancienne boutique et tu pourras y dormir pour protester contre le sorcier  !

-On est déjà cinq fées jeunes et anciennes mais peut te faire une place dans notre maison, tu t’amuseras bien avec nous !

-Non ! Il faut qu’on jette tous un sort aux responsables du village pour que tout le monde soit logé !

Cette proposition recueillit des acclamations de toutes parts.

Mais le sorcier n’allait pas laisser cela arriver. Il chuchotait langoureusement aux responsables du village que cette femme et les autres Invisibles n’étaient pas si nombreux et qu’ils avaient de toute façon choisi cette vie. Qu’ils étaient même dangereux, fous et profiteurs. Que c’était chacun pour soi. Les fées entendant cela se ruèrent à la rencontre des responsables. Ils réunirent les Invisibles et jetèrent un enchantement qui les fit apparaître pour quelques secondes. Choqués devant leur nombre et leur état, les responsables de village chassèrent le sorcier, décidèrent d’ouvrir et de réparer les logements vides et de les donner aux Invisibles.

Une fois installée dans sa maison avec son chien, Shana ne se retrouva pas seule. D’autres fées continuaient à l’aider et à la voir. Par un coup de baguette magique, l’une des fées parla d’elle à tous les travailleurs qui ne savaient pas la difficulté qu’elle avait rencontré, et le lendemain, elle retrouva un emploi grâce à cela. Pour fêter cela, les fées organisèrent une grande fête en son honneur ! Quand elle rentra, elle croisa un miroir et vit son reflet qui était enfin complet ! Elle sourit et décida de voir Nour, le premier fée qui l’avait aidé. Quand il arriva, elle l’enlaça et lui demanda comment elle pouvait le remercier. Il lui répondit qu’il avait toujours eu envie de jouer d’un instrument.

Les pouvoirs féeriques de Shana se déclenchèrent à ce moment là : elle fit apparaître un violon et commença à lui apprendre.

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*Oui, les fées peuvent être masculines aussi 😉

Note des auteurs : ce conte s’inscrit dans une série d’articles sur le changement de vie. Il n’a pas vocation à représenter tou.te.s les personnes sans abri ou SDF ou mal logées mais à montrer – comme toujours – des alternatives qui existent, et à résumer des problèmes. Courage à tou.te.s les personnes dans le besoin en ces temps difficiles.

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